CAMARADE ÇA URGE LA RÉVOLUTION TU DISAIS
à max

(c) Maya
sur ce banc en bois jauni
usé par la solitude et la confidence
flétri par le temps la pluie la moisissure
sur ce banc dessiné au hasard
d’une ruelle négligée du quartier
assis-là encalminés à l’abri
des rugissements des machines
nous étions que deux à siroter à la bouteille
une bière qui supportait mal
cette chaleur accablante
(au loin les passants défilent pas contre pas)
sans but précis juste placés-là
dans ce paysage crépusculaire
l’été en pleins fouets
balafres aurifères sur le visage de la ville
nous avons dit la révolution
nous avons conté nos affres
nos nuits épaisses écorchées vives
nous avons nommé nos offrandes
griefs à inscrire d’un trait sur chaque mur
dans chaque quartier pour
nourrir la révolte encore visible
sur le visage de cet enfant
et qui se cache dans ce sourire sincère
détaché de la foule
l’écarter de sa triste monotonie
camarade quoi donc pèse lourd sur ton dos
quelle souffrance du monde te ronge au fond
quelle rage laisser surgir de nos veines béantes
comme ce banc en bois jauni
usé par la solitude et la confidence
les rôles du quotidien nous avilissent
ça nous arrache les tripes brise l’os nous abandonne blêmes
au bord du chemin blêmes jusqu’à l’effacement
jusqu’à l’abandon du soleil couchant
nous sommes affaiblis consumés
poussières grises chassées du vent
[quel tunnel annoncera l’aube] en haleine –sur ce banc en bois jauni
usé par la solitude et la confidence
nous avons nommé des possibles
cité toutes les étoiles perchées dans
l’amas du ciel des soirs légers
au terme d’un après-midi d’été suffocant
dépeint chaque pétale fragile s’apprêtant à se déployer
pour accueillir un nouveau jour se dessinant déjà
imprécis – imparfait
nous avons parlé d’amour d’amitié
de fêtes d’insoumission de détours surtout
camarade ça urge la révolution tu disais

(c) Maya
nous étions conscients d’une chose
d’une rainure inextricable : cette brèche nécessaire
du moins pour amorcer la révolte
il nous faut se retrouver – simples
comme une source se lançant vers l’inconnu du fleuve
retracer les rives de nos îles intimes
joindre nos failles les secousses du sommeil
et l’instant d’une rêverie
sur ce banc en bois jauni
usé par la solitude et la confidence
des amours et des amitiés se réinventent poings levés
euphorie – liesse – d’une foule – bariolée – de cris
cris de ralliement chants de toutes les couleurs
corps qui se coudoient cohue – désordre
le poème jailli fumerolles enfin
des bétons chauds de la ville en effervescence
tu disais que c’était [ce tunnel qui dévoilera l’aube nouvelle]
Poème-poster, imaginé et créé par Lila Fleytoux, pour l’Association Vagues Littéraires
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